Mieux chez vous – Le blog

N°2 – octobre 2025

C’est si long de faire un simple devis ?

« …parce que vous comprenez, il faut souvent des mois pour avoir un simple devis, parfois les artisans ne répondent même pas, parfois ils ne se déplacent même pas. ».

Eh oui, pas évident d’avoir un « simple » devis, mais maintenant que c’est moi qui les fait, je comprends un peu mieux pourquoi c’est si difficile.

Tout d’abord, parlons de l’asymétrie de l’engagement client / artisan. Il faut savoir qu’un devis est un contrat, il en a la valeur juridique et il oblige les deux parties, le client et l’artisan. Mais pas au même moment.

Quand le client signe le devis, il s’engage fermement. Il a accepté la prestation, il doit respecter ses engagements (précisés sur le devis et dans les conditions générales de vente), et notamment il s’est engagé à payer la prestation selon les modalités indiquées.

Quant à l’artisan, il s’engage à réaliser la prestation au prix indiqué et dans les délais impartis, mais il y a une subtile différence : l’artisan ne s’engage pas lors de la signature du devis, mais dès qu’il le remet au client. Cette « subtile » différence est pourtant fondamentale : vous demandez un devis, cela ne vous coûte rien, vous n’êtes pas obligés de l’accepter. Vous pouvez le comparer à d’autres devis, prendre le temps de réfléchir, changer d’avis sur le projet ou même y renoncer complètement, vous pouvez même oublier le devis et passer à autre chose.

Au contraire, l’artisan qui vous remet le devis est déjà engagé de plusieurs manières :

1- Cela ne vous a rien coûté mais l’artisan, lui, a payé pour venir vous voir (oui, il a fallu mettre du carburant dans une camionnette, et celle-ci n’est pas née par génération spontanée, il a aussi fallu l’acheter).

2- Cela vous a pris une demi-heure pour lui expliquer ce que vous vouliez, mais lui, après cela, a pris infiniment plus de temps pour établir le devis, pour vous l’envoyer, pour le gérer avec ses multiples paperasses, logiciels de gestion et de facturation. Généralement plusieurs heures…

3- Si vous le signez, il est obligé d’accepter. Il ne peut pas « réfléchir », changer d’avis, renoncer au projet ou tout simplement l’oublier, il est juridiquement engagé.

Eh oui, un devis, c’est du souci !

Cela engage, et l’enjeu est important car un devis trop cher, c’est un devis qui sera refusé, donc du temps et de l’argent perdu, et surtout un chantier perdu au profit d’un concurrent. À l’inverse, un devis pas assez cher (parce que l’artisan n’a pas pensé à tout le matériel dont il aurait besoin, qu’il a mal évalué le taux de chutes de bois, l’enduit de rebouchage ou que sais-je, ou tout simplement parce qu’il a compté 4 jours et qu’il en passera 2 de plus), c’est de l’argent perdu, et c’est surtout un chantier qui ne fait pas vivre l’artisan.

Plusieurs heures pour rédiger un simple devis ? Ce n’est pas un peu exagéré ?

Bon alors allons-y, faisons un « simple » devis. Appelez-moi parce que vous n’arrivez plus à éteindre la lumière de votre couloir, je viens chez vous et cela m’a pris entre 5 et 30 minutes, selon la distance, que nous pouvons multiplier par deux parce qu’après être venu je vais repartir. Donc 10 min à 1h.

Combien de temps vais-je rester chez vous ? D’expérience : entre 20 minutes et 2h30. Votre lumière qui ne s’éteint plus, c’est un télérupteur HS, qu’il va falloir trouver. Aujourd’hui les télérupteurs sont dans le tableau électrique, mais ceux qui tombent en panne ont plus de 50 ans, et à l’époque on les cachait dans les murs, dans les combles… Donc 20 minutes chez vous, on ne peut pas faire moins. Et pour des projets plus importants, ou si le télérupteur est l’occasion de me montrer d’autres soucis que vous aimeriez régler chez vous, je vais peut-être rester beaucoup plus longtemps.

Voici un exemple de devis pour un projet simple, avec peu de matériel et beaucoup de main d’œuvre. Devis facile à rédiger, peu de réflexion, peu de rédaction. Il faut toutefois faire un peu de saisie dans divers logiciels, de la mise en page, créer le PDF, relire et corriger, rédiger le mail d’accompagnement, ne pas oublier les pièces jointes… 30 minutes, c’est le minimum syndical.

Mais souvent il y a des fournitures qui, comme leur nom l’indique, s’achètent chez des fournisseurs. Donc pour établir le devis, il faut questionner ses fournisseurs, parcourir leurs sites web, consulter les tarifs, choisir le fournisseur le moins cher ou le plus pertinent, puisque l’objectif du devis est d’être accepté, il faut donc de maîtriser les prix.

Dans l’exemple suivant, il a fallu de la réflexion aussi pour choisir les bons luminaires en fonction des emplacements à éclairer, des dimensions adéquates etc. Et choisir parmi des milliers de références disponibles chez les fournisseurs, cela prend du temps…

Et puis le poste le plus important : la Main d’Œuvre ! Combien de temps vais-je passer sur le chantier ? Si je sous-estime la durée, je ne gagne pas d’argent, si je la surestime, je perds le chantier, mais si j’ai un aléa, je serai content d’avoir pris une marge. Alors comment trouver le juste milieu ? Ne croyez surtout pas qu’avec l’habitude il devient facile de faire de bons devis : les devis, c’est l’enfer pour tous les artisans.

Au final, le temps passé sur un devis « moyen » (par exemple un changement de tableau électrique), c’est entre 2 et 3h (je n’en fais qu’un seul par soirée, c’est bien assez !). Et pour un projet plus important (rénovation électrique de plus grande ampleur), c’est plusieurs soirées, plusieurs échanges avec le client, différentes propositions, des changements d’avis, des recalages, affinages, etc.

Conclusion

Faire un « simple » devis, cela n’existe pas car il n’y a rien de simple dans un devis, et que l’enjeu est important. Un bon devis, c’est un devis accepté par le client (donc pas trop cher), et qui nourrit l’artisan (donc jamais simple). Alors si le projet est bancal, si l’artisan n’est pas à l’aise, s’il pense que le risque d’aléa ou d’erreur est important, ou s’il pense que le devis ne sera pas accepté, je comprends qu’il ne le fasse pas. La moindre des choses serait qu’il le dise clairement, que vous sachiez à quoi vous en tenir plutôt que d’attendre des semaines un devis qui ne vient pas.

Mais cette remarque vaut aussi pour le client. Lorsque vous refusez son devis, dites-le lui ! Un petit mail ou sms pour dire que vous ne donnez pas suite, cela lui permet de classer l’affaire, de ne plus attendre votre réponse, de savoir que vous avez bien étudié son devis et donc de donner de la valeur à son travail. En particulier s’il y a eu beaucoup d’échanges pour affiner le projet, la moindre des choses est de lui permettre de clore le dossier.

Alors si vous voulez faire plaisir à votre artisan…

Ne demandez pas 50 devis ! Il est normal d’en demander plusieurs pour pouvoir comparer, mais 10 devis ne vous apporteront rien de plus que 2 ou 3, et cela génère beaucoup de travail inutile.
Préparez votre projet avant d’appeler. Ce n’est pas l’artisan qui sait mieux que vous ce que vous voulez. Si votre projet n’est pas bien défini, cela va générer du travail inutile, des échanges multiples et du flou, vous aurez beaucoup plus de mal à comparer les devis, et vous ne serez pas à l’abri de mauvaises surprises.
Acceptez ou refusez mais dites-le ! Vous pouvez en dire un peu plus sur les raisons de votre refus, cela aidera l’artisan à s’améliorer. Souvent c’est une question de prix, mais cela peut être autre chose. Évitez les faux fuyants, les « on ne va pas le faire tout de suite », sous-entendu « qu’on fera appel à vous plus tard » (personne n’y croit !), les « on réfléchit » (vous imaginez le nombre de gens qui réfléchissent en France ? Ça doit chauffer dans les cerveaux !), les réponses bateau. Vous avez trouvé moins cher ? C’est tout simple : dites « j’ai trouvé moins cher », l’artisan ne va pas vous en vouloir. Vous renoncez ou vous changez de projet parce que vous n’imaginiez pas un chiffrage aussi élevé ? Dites « je ne pensais pas que ce serait si cher, je vais faire autrement ». Et peut-être que votre artisan va vous trouver une meilleure idée.

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